Retour sur le Kali
Ce printemps commençait la démolition du restaurant Kalimera, pour faire place à un projet immobilier mixte, le Kali. Projet qui a fait couler beaucoup d’encre, car il a soulevé l’indignation de certains·es résidents·es du quartier. Pour plusieurs, ce projet est jugé incohérent avec les besoins et désirs des citoyens·nes, qui peinent à se loger (ou à se reloger) dans le quartier à un prix raisonnable, dans un contexte de crise du logement.
Le CCCQSS et des militants·es du quartier se sont mobilisés·es afin de bloquer ce projet, qui risquait de modifier définitivement la façon d’accueillir les projets immobiliers privés de cet ampleur, avec les dérogations que cela imposait pour le voisinage.
La question qu’on se pose : quel est le rôle de la ville dans un contexte où le développement urbain s’appuie sur une logique marchande du territoire, où un terrain est perçu comme une opportunité d’investissement?
Les résidents·es découvrent le projet immobilier
Lors d’une consultation publique en 2022, un promoteur immobilier présente un projet de 55 logements avec quelques logements «abordables» (1025$ pour un 3 1/2), un CPE et un local commercial. Pour réaliser son projet, il doit déroger aux règlements d’urbanisme (hauteur et nombre de logements par bâtiment). Alors que plusieurs résidents·es soulèvent des inquiétudes et expriment le besoin de logements sociaux pour le quartier, le Conseil de quartier et l’élu local applaudissent le projet dans les médias. Le promoteur repart avec les commentaires et déposera un projet pour acceptation dans les mois suivants.
Un conseil de quartier enflammé
En juin 2023, le projet « modifié » est présenté lors d’une deuxième consultation publique, pendant un conseil de quartier. Parmi les quelque 70 résidents·es présents·es, la grande majorité s’oppose au projet, car il ne répond pas aux besoins pour l’ensemble des locataires du quartier, particulièrement les plus vulnérables. Malgré les contestations des citoyens·nes, le Conseil de quartier recommande l’acceptation des demandes de dérogation au Conseil d’arrondissement, qui doit approuver ou non la demande du promoteur.
En parallèle, la pression citoyenne amène le promoteur à réduire le coût des logements « abordables » à 750$, au lieu de 1025$. Ce gain est jugé insuffisant pour les résidents·es mobilisés·es. Le référendum devient la seule voie pour bloquer ce projet, alors qu’il apparaît clair que le Conseil d’arrondissement acceptera les dérogations demandées.
Environ 150 ménages du quartier sont en attente d’un logement subventionné et un ménage sur cinq attribue plus de 30% de ses revenus pour se loger.
Le référendum : notre seule « option »
Face à ce constat, des militants·es se mobilisent pour demander un référendum avec l’appui d’un grand nombre de résidents·es du quartier. Le promoteur ouvre alors la porte à l’ajout de logements subventionnés (logements où les locataires admissibles payent 25% de leurs revenus pour se loger).
À l’automne 2023, le Conseil d’arrondissement annonce les détails de la signature du registre de demande de référendum, dernière étape pour qu’un référendum soit lancé. Il laisse une semaine aux résidents·es pour se mobiliser afin que plus de 600 personnes se déplacent, un lundi au Centre Mgr Bouffard entre 9h et 19h, pour confirmer leur demande de référendum. Bien que le délai prévu par la Ville est perçu comme un affront, les militants·es se retirent du processus de demande de référendum, en espérant que leurs efforts auront tout de même permis de réduire le coût des loyers abordables et l’ajout de logements subventionnés.
Où était la Ville?
Alors que le promoteur a modifié son projet sous la pression des résidents·es, on se demande ce qu’a fait le Conseil d’arrondissement.
Il faut reconnaître que la Ville acquiert des terrains pour y construire des logements sociaux, mais ce n’est pas suffisant. Il faut se pencher sur les effets des nouveaux projets résidentiels qui poussent dans le quartier et ce pas seulement sur les questions de hauteur de bâtiment. Vu l’ouverture du promoteur à intégrer des logements abordables et des logements subventionnés, pourquoi la Ville ne met-elle pas plus de pression pour que les projets immobiliers privés soient accessibles pour l’ensemble de la population?
Qu’est-ce la Ville attend pour mettre en place une politique ou un zonage d’inclusion de logements sociaux, abordables et subventionnés, alors que le projet Kali nous démontre qu’il est possible de les intégrer dans un projet privé?
| Une politique ou un zonage d’inclusion permet d’exiger aux promoteurs immobiliers privés d’inclure, dans leurs projets immobiliers, une partie de logements offerts aux ménages à faibles et modestes revenus. |
Écrit par Guillaume Béliveau Côté.
Cet article se retrouve dans la dernière édition du journal le Carillon : ici