Portrait de Marc Boutin, artiste militant
Cet portrait a été réalisé par Amélie Audet, juste avant le décès de Marc Boutin.
Marc Boutin a toujours dessiné et peint des paysages urbains. Il aime imaginer une ville vivante qui répond aux intérêts de ceux et celles qui l’habitent. Depuis son passage à l’école d’architecture, cet homme de Saint-Jean-Baptiste s’est impliqué dans plusieurs comités de citoyens et citoyennes. En 1970, il commence à militer au sein de celui de Saint-Roch. En 1974, il fait partie des premiers qui défendent leurs opinions dans le journal Droit de Parole. Aujourd’hui, près de 50 ans plus tard, il est toujours un membre actif du journal, dans lequel il se penche en premier lieu sur des sujets liés à l’aménagement urbain des quartiers centraux de Québec.
Dans Saint-Sauveur, il s’est surtout impliqué contre la démolition du Centre Durocher. Aujourd’hui, même s’il concède que cette lutte a permis l’implantation d’une bibliothèque publique dans le nouvel immeuble, il aspire encore au retour d’un centre culturel et communautaire au cœur du quartier. Dans ses dessins, il y trouve le lieu parfait: le stationnement situé de l’autre côté de la rue, au coin des rues Saint-Vallier et du Carillon
Bien qu’il ne participe plus activement au Comité des citoyens·nes du quartier Saint-Sauveur, il continue de rêver à ce que pourrait être l’avenir de la Basse-Ville. Il aimerait entre autres que la rue Victoria, menant en Haute-Ville, devienne une rue partagée. Il croit également que le pied de la Pente Douce pourrait bénéficier de davantage de commerces. Pourquoi pas des projets collectifs comme la boulangerie Des pains sur la planche, pour augmenter l’offre du secteur ? Enfin, il souligne que les deux dernières églises catholiques qui ont survécu aux démolitions doivent rester en place pour offrir aux citoyens·nes des lieux d’animation et de rassemblement. D’ailleurs, lorsqu’il vient dans le quartier le samedi matin pour faire ses emplettes au marché Saint-Sauveur, il s’extasie devant la cour d’école qui fait face à l’église. Pour lui, la richesse de Saint-Sauveur réside dans ses enfants et sa convivialité pour les familles : «C’est ça, la vie de quartier !», ajoute-t-il.
“Moins de deux semaines après la rédaction de cet article, Marc Boutin est décédé, à l’orée de ses 80 ans. C’est tout le milieu populaire qui perd une personne indissociable des luttes urbaines locales des 50 dernières années. Marc Boutin, c’est un nom qui revenait souvent dans les conversations des comités populaires. Je ne l’avais pas encore rencontré que je connaissais son talent pour imaginer les quartiers centraux et les dessiner, sa générosité et, il faut le dire, son côté têtu. C’est ainsi qu’il m’a accordé près d’une heure de discussion téléphonique pour me raconter son parcours et, surtout, me parler des projets qui l’animent. Bien que je l’avais contacté pour parler de Saint-Sauveur en particulier, il n’a pu s’empêcher d’aborder son amour pour son quartier de toujours : Saint-Jean-Baptiste. Je m’excusais déjà de ne pas pouvoir lui rendre hommage en moins de 500 mots. Quelques jours plus tard, il est passé chez moi pour me déposer quelques uns de ses dessins. Il les avait fait photocopier dans un centre de photocopies, ne sachant pas trop de quelle bibitte je parlais lorsque je lui avais proposé des les prendre en photo avec un téléphone. Je ne devais pas savoir à quelle bibitte je m’adressais. Il m’est apparu avec des yeux souriants, sous son masque de chat. Il a déposé ses dessins sur la table, prenant le temps de papoter. Il s’était déposé sur un tabouret, un livre dépassant de la poche de son pantalon. «Parfois, avait-il alors lancé, je pars avec mon tabouret et des amis, et on s’installe au premier endroit que l’on trouve dans la ville pour le dessiner». Puis, en partant, il avait pris le temps d’observer la cour intérieure de l’immeuble. Il adorait ces espaces de vie cachées. Il y avait quelque chose de particulièrement attachant à voir un vieux militant repartir marcher dans sa ville avec une éternelle passion.“