Une occasion manquée
Réaménagement de la rue Saint-Vallier Ouest, une occasion manquée
Le soir du 7 décembre, la Ville de Québec a tenu une séance d’information pour annoncer le concept retenu pour la rue Saint-Vallier Ouest, destinée à être complètement réaménagée dès 2024 entre le boulevard Charest et la rue Marie-de-l’Incarnation. Elle présenta une transformation majeure aux nombreuses personnes sur place. La rue deviendra beaucoup plus verte, animée, agréable, sécuritaire pour les piétons·nes… et à sens unique vers l’ouest.
Selon la Ville, il s’agit même de la première fois au Québec qu’un tronçon aussi important de rue, soit d’environ 2km, subisse un tel changement pour répondre aux enjeux climatiques et d’équité sociale de notre époque :
– enlever 16 % de l’asphalte et doubler les surfaces qui absorbent l’eau;
– augmenter le couvert végétal (la canopée) à 25 %;
– des trottoirs plus larges et sécuritaires répondant enfin aux normes d’accessibilité universelle, etc.
À première vue, ce projet est très beau. Les impacts positifs pour notre quartier semblent nombreux. Pourtant, l’enthousiasme n’était pas au rendez-vous pour une majorité de citoyens·nes. Ni le soir de l’annonce, ni de façon plus générale dans les jours suivants.
La question se pose sérieusement : mais pourquoi donc un projet novateur avec autant de bénéfices pour Saint-Sauveur ne réussit-il pas à rassembler et à emballer la population à laquelle il est offert?
La décision controversée du sens unique
Le problème central, c’est que la Ville a pris la décision à l’interne de convertir cette rue en sens unique. Cela n’a jamais fait l’objet de consultations, ni de réels échanges avec et entre les citoyens·nes. En effet, lors des seules consultations au printemps 2023, le sens unique était déjà annoncé comme un élément non négociable. Cela, alors que ce scénario était présenté publiquement pour la première fois, avec ses avantages et inconvénients. Ensuite, chaque fois que la Ville et Pierre-Luc Lachance (l’élu municipal) étaient questionnés·es là-dessus, la réponse était toujours la même : «désolé, mais les travaux de réfection pressent, le projet est trop avancé pour que le sens unique soit remis en question.»
Suite aux nombreux commentaires reçus, la Ville semble avoir accepté d’étudier et de discuter du sens unique. Mais cela s’est toujours fait les portes fermées. Aucune information n’a été partagée à la population. Jamais celle-ci n’a été invitée à participer aux réflexions. Cette façon de faire est problématique.
En résumé : la décision au cœur du projet souffre d’un grave déficit démocratique.
Le transport en commun, l’enjeu fondamental et incontournable derrière le sens unique
Le sens unique a comme conséquence de déplacer tous les parcours d’autobus de ce secteur allant vers l’est (vers le quartier Saint-Roch): la 1, la 19, la 80 et la 85. Le RTC et la Ville avouent que les possibilités de parcours alternatifs sont très réduites.
En effet, aucune autre rue ne traverse le quartier en diagonale comme Saint-Vallier Ouest. Aussi, la majorité des rues résidentielles sont étroites avec des intersections serrées.
Malgré tous les efforts pour diminuer les impacts, la desserte « test » proposée pour 2024 entraîne quand même une perte d’efficacité des parcours et une perte d’accessibilité pour le secteur de Sacré-Coeur et pour les organismes communautaires situés sur la rue Saint-Vallier Ouest.
Le sens unique a des impacts considérables pour les citoyens·nes qui dépendent de ce service public pour se déplacer. La décision de modifier ou non toute l’organisation du transport en commun du secteur aurait dû être discutée publiquement.
Une occasion vraiment manquée
La Ville de Québec doit se questionner sur ses pratiques. L’expertise seule ne suffit pas pour bâtir un projet rassembleur et porteur pour une communauté. Celle-ci doit être réellement impliquée dans le
processus, et pas seulement en répondant à des sondages sur des préférences personnelles sans connaître les intentions derrière.
Des consultations viennent justement d’être annoncées pour les rues Marie-de-l’Incarnation, Des Oblats et de la Côte de la Pente-Douce. On ne sait pas encore quels sont les projets derrière. Peut-on avoir espoir que cette fois-ci ce sera différent?
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Cet article se retrouve dans l’édition de janvier 2024 du journal Le Carillon.
Écrit par : Catherine Rainville