Ensemble contre le racisme
par Dominique Sacy
Nous avons demandé à trois personnes de partager avec nous un récit personnel de la manifestation contre le racisme et la brutalité policière du 7 juin dernier. Cette manifestation se voulait une réaction à la mort de Georges Floyd, assassiné par la police de la ville de Minneapolis, au Minnesota. Maryam Bessiri, Mbaï-Hadji Mbaïrawaye et Émilio Rios-Garcia ont accepté de se prêter à l’exercice.
Maryam Bessiri
Colère et indignation. En me joignant à la manifestation contre la brutalité policière de Québec, j’ai été aspirée par un vortex d’énergie et de solidarités, le temps de quelques heures et de beaucoup de retrouvailles.
Des milliers de personnes bravant pandémie et interdiction de se rassembler, armées de masques, de pancartes anti-racistes et d’une détermination à transporter les montagnes. Une masse humaine venue écouter humblement les témoignages de racisme, de discrimination et de peur. Crier la légitimité de la diversité et en étaler la beauté devant les lentilles des caméras retransmettant, en direct, ce rendez-vous survolté en plein état d’urgence sanitaire.
Colère et indignation. Les mots étaient crus, bruts et vrais. Se taire, c’est être complice. Détourner le regard, c’est être complice. Racisme systémique, négrophobie, profilage racial, brutalité policière…rien ne passera plus! Et le genou posé à terre, durant 8 min et 46 sec, nous avons toutes et tous scellé ce pacte.
Mbaï-Hadji Mbaïrewaye
Étudiant à Anvers (Belgique), j’ai été menotté et emmené par deux agents de police suite à un contrôle de faciès. J’ai mis dix ans pour m’en remettre. Cette triste expérience explique en partie mon militantisme antiraciste.
À Québec, la lutte contre le racisme est habituellement l’affaire d’une poignée de personnes parfois qualifiées de partisanes de politiques identitaires, de Social Justice Warriors, de gauchistes, etc. Quelle ne fut pas ma joie de voir environ 2000 personnes au rassemblement du 7 juin 2020 contre le profilage racial et la violence policière. Mais cette jubilation s’accompagne d’une petite crainte. Ce rassemblement n’est-il pas un feu de paille?
J’espère que cette mobilisation se poursuivra à travers la mise en place d’une coalition contre le profilage racial et social, par exemple. En outre, la Ville de Québec devrait faire un état de situation en commandant une étude indépendante sur la relation entre le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) et la communauté. Enfin, une chose que le maire peut faire immédiatement serait de réhabiliter le conseil interculturel qu’il a supprimé en 2002. Ce conseil consultatif pourrait le conseiller sur les enjeux touchants les immigrants·es et les minorités.
Emilio Rios-Garcia
7 juin 2020. Onze heures du matin. Nous sommes des milliers de personnes rassemblés devant le parlement. La plupart masquées, COVID oblige. Dans ces jours où la distanciation physique est recommandée, nous nous retrouvons toutes et tous à nouveau proches. Nous ressortons dans la rue pour une cause qui nous unit au-delà de nos individualités. L’histoire est marquée par la violence. Les violences contemporaines nous montrent que des femmes et des hommes racisées de tout âge confondu sont encore assassinés·es injustement dans nos villes.
En nous retrouvant comme nous l’avons fait aujourd’hui nous prenons position. Nous partageons nos voix pour ceux qui n’ont pas été entendus. Nous mettons nos genoux par terre pour ceux qui n’ont pas pu se relever, bavure après bavure.
Dès le premier jour où j’ai entendu « R’tourne dans ton pays! », j’ai compris que le racisme n’est que la peur de l’autre. L’intolérance de ce qui nous différencie de celle ou celui qui est différent de nous. Partout dans le monde, le dialogue est de nouveau ouvert. En allant vers l’autre peut-être que l’autre aura envie de faire de même. •