La sauvegarde des écoles, d’hier à aujourd’hui
Éloïse Gaudreau et Nicole Brais
Dans les quarante dernières années, Saint-Sauveur a fait face à plusieurs fermetures d’écoles. Comme d’autres quartiers centraux, il a été confronté à une baisse de population et de familles à partir des années 1970, un déclin conduisant les pouvoirs publics à vouloir couper dans les équipements collectifs (écoles, hôpitaux, bureau de poste). À chaque fois, les résidents·es et le CCCQSS se sont mobilisés pour sauver leurs écoles, souvent avec succès. Sans ces luttes et ces victoires, le visage du quartier serait bien différent! Sans école accueillerait-on aujourd’hui autant de jeunes familles qui choisissent de rester ou de s’établir au centre-ville?
L’école Sacré-Coeur : trois fois plutôt qu’une!
En effet, sans les (trois!) mobilisations pour la sauvegarder, l’école Sacré-Coeur ne serait sans doute plus destinée à l’enseignement primaire.
Une première menace de fermeture en 1980
La première tentative de fermeture est arrivée en 1980. La commission scolaire prétextait que le nombre d’élèves était trop bas pour justifier son maintien. Devant cette nouvelle, le comité d’école de Sacré-Coeur s’allie avec le CCCQSS pour mobiliser les gens du quartier. Un comité de sauvegarde est créé et mène une campagne acharnée auprès des commissaires scolaires jusqu’à obtenir gain de cause. L’école est sauvée. Ouf!
Et de deux!
Une dizaine d’années plus tard, au début des années 1990, même scénario : la commission scolaire annonce son intention de fermer l’école. Cette fois encore, un comité de sauvegarde est mis sur pied par le CCCQSS, des parents et le conseiller municipal de Saint-Sauveur, Jacques Fiset, également membre du Comité exécutif de la Ville de Québec.
La Ville a rendu possible le maintien de l’école en finançant en partie la rénovation des locaux vacants aux étages supérieurs. Ces locaux ont alors été mis à la disposition d’organismes communautaires. La décision de fermer l’école a été suspendue.
Par la suite, le CCCQSS a participé au comité multipartite sur les petites écoles et a obtenu un moratoire de cinq ans sur les fermetures d’école. Ce rapport a eu une influence à travers le Québec en favorisant le modèle des petites écoles.
Jamais deux sans trois
En 2007, la commission scolaire annonce qu’elle fermera l’école Sacré-Coeur et Stadacona, dans Limoilou. Cette annonce a déchiré le quartier, mais le CCCQSS s’est retrouvé seul au front. Contrairement à la fois précédente, la Ville a refusé de s’impliquer et la population était gagnée par un certain défaitisme. La mobilisation citoyenne s’opposant à la fermeture de l’école Stadacona a servi le quartier – la commission scolaire revient alors sur sa décision concernant les deux écoles.
Les actions du CCCQSS pour la sauvegarde de cette école trouvent aujourd’hui toute leur pertinence. L’exode vers les banlieues des dernières décennies semble s’estomper. L’école Sacré-Coeur connaît actuellement un achalandage record, sans cesse croissant. Au point où, dans les prochaines années, les locaux communautaires du troisième étage retrouveront leur vocation initiale : accueillir les enfants du secteur. Sacré-Coeur, on y tient!
Cardinal-Roy : la victoire qu’on n’attendait pas !
En septembre 2018, le conseil d’établissement de l’école Cardinal-Roy demande à la Commission scolaire la permission d’abolir ses secteurs régulier et de l’adaptation scolaire. L’école souhaite se concentrer uniquement sur le programme Sports-ArtsÉtudes, un programme sélectif fréquenté principalement par des élèves de l’extérieur du quartier.
Plusieurs résidents·es du quartier réagissent, inquiets de perdre leur école de proximité et de voir les élèves les plus en difficultés déplacés vers d’autres écoles.
Le CCCQSS se joint alors aux parents et aux citoyens-nes pour mener une bataille de deux mois, courte mais intense: dépôt de mémoires, chaîne
humaine, campagne de lettres, pétition, interventions dans les médias.
Puis, le 12 décembre, la bonne nouvelle tombe : les commissaires refusent la demande de l’école. Depuis, on tente de s’assurer que les efforts nécessaires soient déployés pour améliorer les secteurs régulier et de l’adaptation scolaire, notamment en augmentant l’offre d’activités stimulantes.
Les villes et les quartiers vivent des cycles, expliqués en grande partie par la démographie. Il est normal que la population vieillisse pour éventuellement rajeunir. Entre temps, le maintien des services publics, en particulier des écoles sous-utilisées, a été remis question.
Dans les 50 dernières années, Saint-Sauveur a été témoin de cette évolution, mais a refusé de la subir. Le CCCQSS a eu la vision et la détermination nécessaires, avec la population du quartier, pour protéger ses écoles et ainsi, être aujourd’hui bien vivant! •