Monsieur le Maire, les riches vont où ils veulent, les autres vont où ils peuvent.
Le 27 juin dernier, le maire Bruno Marchand nous faisait l’honneur de partager son point de vue sur la construction du projet Kali dans le quartier Saint-Sauveur. Un projet immobilier dans Saint-Sauveur qui offrira des studios et des 3 1/2 « abordables » à 1025$ par mois et plus de 45 logements non abordables (4 1/2 et plus) à des prix encore inconnus. On se doute bien que ces derniers seront largement au-dessus de la capacité de payer de la majorité des gens du quartier.
Le Maire nous dit: « qu’il y ait des gens qui veulent habiter ici et payer 1000 $, 1500$ ou 2000$ par mois, c’est une bonne chose ». D’accord, mais pas au détriment des ceux et celles qui y habitent déjà en laissant le champ libre aux promoteurs privés qui ne cherchent qu’à rentabiliser un investissement. D’ailleurs, les gens qui veulent se payer un logement à 2000$ ont déjà des options. Selon la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL), le taux d’inoccupation des logements de plus de 1100$ est de 3.3% dans la ville alors qu’il est de moins de 1% pour les logements de moins de 1000$. C’est donc pour les ménages les moins aisés qu’on doit construire des logements pour qu’ils et elles puissent se loger sans devoir se priver de nourriture, de vêtement et des autres besoins de base.
La construction de nouveaux logements de luxe, ça ne vient pas sans transformer le milieu de vie. Pour les résidents·es du quartier, ça veut dire : moins de possibilités pour se reloger dans le quartier, une pression à la hausse sur le coût des logements, le remplacement des commerces et services accessibles par des nouveaux trop dispendieux, etc. Quand on continue de construire des logements de luxe pour accueillir des personnes qui ont le privilège de choisir où vivre, on retire le droit à d’autres d’y rester. Pour bien des gens, vivre dans leur quartier au centre-ville est une question de survie : avoir accès à courte distance (soit à pied, à vélo, en autobus) à une épicerie, une pharmacie, aux organismes communautaires et services de proximité et à des activités sociales pour briser l’isolement.
Les subventions pour construire du logement social manquent. Il faut donc conserver des terrains avant que le privé développe tout avec des logements dispendieux. Le vérificateur général de la Ville le disait la semaine dernière : « il faut [que la ville acquiert] des terrains actuellement pour être prête, quand on va recevoir le financement, à faire rouler la machine pour accélérer le processus puisqu’il y a pratiquement urgence d’agir ». La Ville a un nouveau fonds de 15 millions pour faire ces acquisitions. Utilisez-le! Le terrain du Kalimera serait une belle opportunité pour affirmer la volonté de la Ville qui dit vouloir s’attaquer à la crise du logement.
Le plus insultant dans la réponse du Maire, c’est qu’il utilise la mixité sociale pour justifier la construction de logements dispendieux. On n’est pas contre la mixité sociale, c’est une belle et bonne chose à laquelle aspirer. On a plutôt l’impression qu’actuellement, une classe sociale plus riche s’approprie notre quartier sans essayer de se mélanger aux autres, sans qu’on sente un respect ni une écoute des résidents·es par les instances municipales. Accepter que se construisent des projets qui favorisent l’exclusion des personnes plus vulnérables, qui devront quitter le quartier parce qu’il n’est plus accessible, ce n’est pas favoriser la mixité sociale.
On ne s’oppose pas au Kali juste pour s’opposer. On se mobilise parce que le Kali va à l’encontre de notre vision d’une ville saine et accessible.
On considère que le logement et la ville sont des droits qui doivent être protégés et promus avec ardeur par tous et toutes.
On considère que la ville devrait reconnaître la vulnérabilité et prendre soin de l’ensemble des résidents·es.
C’est pour ces raisons qu’on vous dit, comme l’ont fait les militants·es du Comité des citoyens·nes du quartier Saint-Sauveur dans les années 70s :
Quand vous voulez tout transformer en nous disant : Laissez faire, c’est pour votre bien, mes amis·es. Quand vous voulez changer NOTRE vie sans que l’on ait NOTRE mot à dire, et à vous faire comprendre. Peut-être que vous ne devriez pas vous étonner si on se lève et qu’on crie : « C’EST ASSEZ » !!!
Guillaume Béliveau Côté, animateur-coordonnateur
Sarah-Jane Ouellet, animatrice-coordonnatrice