Saint-Sauveur dans le Québec des années 70
Par Hubert Fortin
Suite au décès du premier ministre Maurice Duplessis en 1959, le Québec connaît une décennie marquée par de profonds changements (nationalisation de l’électricité, création de l’assurance-maladie, création des cégeps et prise en charge par l’État des établissements d’éducation et de santé…). Ces changements sont accompagnés de grands travaux d’infrastructures (surtout des autoroutes et des ponts, dont le pont Pierre- Laporte à Québec).
Les années 1970 : des démolitions massives
Ces développements entraînent des bouleversements dans les villes Montréal connaît une vague de démolitions massives dans les quartiers à proximité du centre-ville. Par exemple, le « faubourg à m’lasse » est complètement détruit pour faire place à la tour de Radio-Canada.
La ville de Québec n’est pas épargnée. Au milieu des années 1970, le quartier Saint-Roch est amputé de 300 logements et de 30 commerces pour faire place à l’aménagement de l’autoroute Dufferin-Montmorency.
Les démolitions se poursuivent et, avec l’attrait de la banlieue, la population de Saint-Roch chute de 20 000 à 5 000 habitants·es. Le quartier Saint-Sauveur est menacé par trois projets :
- la transformation du boulevard Charest en autoroute,
- la construction d’une autoroute au pied de la falaise (ce qui entraînerait la démolition d’une grande partie des paroisses Saint-Joseph et Notre-Dame-de-Grâce)
- un vaste projet de rénovation du quartier dans lequel la Ville prévoit la démolition de nombreux logement jugés vétustes.
L’émergence d’une nouvelle vision de la ville
La ville de Québec est alors dirigée par le maire Gilles Lamontagne, chef du Progrès civique, en poste depuis 1965. Tout comme le maire Jean Drapeau à Montréal, il rêve de faire de sa ville une ville moderne. En 1977, le maire Lamontagne cédera sa place à Jean Pelletier, une transition dans la continuité.
L’expérience de Saint-Roch
Toutefois, à Montréal comme à Québec, des visions différentes du développement des villes commencent à s’affronter. Dans les quartiers centraux, des citoyens·nes se regroupent pour réfléchir sur l’avenir de leur quartier.
Face à une vision misant sur des démolitions massives, ils et elles opposent une conception de la ville qui place les intérêts des résidents·es des quartiers au coeur du développement. Des comités de citoyens·nes se forment et se mobilisent pour mener des actions de défense de leur vision de la ville.
À Québec, Mgr Raymond Lavoie, curé de la paroisse Saint-Roch, fait oeuvre de pionnier. Il mène des actions d’éclat pour protéger son quartier contre les démolitions. C’est à son initiative qu’au milieu des années 1960 est mis sur pied le comité de citoyens·nes de l’Aire 10. L’élément déclencheur : le rapport Martin commandé par la ville et dans lequel le centre-ville est
découpé en zones de réaménagement numérotées – dont l’Aire 10 pour Saint-Roch. Malheureusement, le quartier n’échappera pas aux démolitions.
La sensibilisation des citoyens·nes
S’inspirant de l’expérience de Saint-Roch, les autres quartiers centraux de Québec – Saint-Sauveur, Saint-Jean-Baptiste et Limoilou – fondent également des comités de quartier, les problématiques de logement étant au coeur de leur action.
Au CCCQSS, dans Saint-Sauveur, les personnes militantes se penchent sur une réflexion globale du développement de leur quartier. Un noyau de personnes résidentes s’active, s’acharne à vivre dans Saint-Sauveur et exige d’être considéré dans la définition de l’avenir de leur quartier.
Le CCCQSS était né et entamait sa plus importante lutte : l’opposition aux 2500 démolitions prévues par la Ville. •