Quand la ville (et le quartier) brûlaient
par Émilie Lapierre-Pintal
De la poudre à fusil laissée près d’une cheminée
Un chaudron d’huile oublié sur le feu
Une allumette craquée près d’un sapin de Noël
Des fils électriques qui se touchent
Un mégot de cigarette enflamme un matelas
Avant que nos maisons soient équipées de détecteurs de fumée, d’extincteurs portatifs, de systèmes de chauffage sécuritaires et de murs pare-feux, avant qu’il n’existe un réseau d’aqueduc relié à des bornes-fontaines, avant l’arrivée d’un service de protection contre l’incendie à la Ville de Québec (SPCIQ), la peur de l’incendie hantait les nuits des habitants et des habitantes de la Ville de Québec. Vivant dans des maisons de bois, collées les unes sur les autres, de nombreuses familles ont été mises à la rue au lendemain de grands incendies.
Solidarité et chaîne humaine pour combattre le feu
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, des pompes à bras étaient utilisées pour combattre les incendies. Pour alimenter ces pompes, le voisinage se mobilisait pour former une chaîne humaine transportant l’eau à l’aide de seaux, depuis le fleuve, la rivière Saint-Charles ou un puits. En 1858, Québec ne compte que 50 policiers-pompiers et dépend de l’aide de nombreux pompiers volontaires, car les feux sont fréquents à cette époque.
Le grand incendie de 1866
« Le feu a pris son origine [le 14 octobre 1866 à 4 h du matin] dans un grogshop [taverne] tenu par un nommé Trudel qui paraît-il, en contravention avec la loi, avait tenu sa maison ouverte toute la nuit aux buveurs, et c’est de là qu’est parti le feu […]
À la première alarme, la brigade du feu était sur les lieux et opérait avec succès quand des monstres, par vengeance, croit-on, à cause d’un désappointement, coupèrent à coup de hache quatre des boyaux les plus neufs et les meilleurs. […] Mais ces boyaux une fois détruits, il fallut en envoyer en chercher d’autres […] Pendant cet intervalle, le feu, poussé par un vent tempétueux du nord-est, étendait ses ravages de tous les côtés avec une effrayante rapidité au milieu de ces milliers de maisons en bois.
[…] à tout cela nous ajoutons l’hospitalité donnée aux malheureux par les citoyens des districts de la ville non incendiés, nous avons lieu de croire que nulle infortune ne restera sans abri. Il n’y aura plus après qu’à organiser le secours le mieux que l’on pourra pour adoucir la souffrance de tant de milliers de personnes restées sans demeure et la plupart sans pain. »
Extraits du Journal de Québec, 15 octobre 1866, p. 2
Au lendemain du drame, le village de Saint-Sauveur et l’ouest du quartier Saint-Roch sont entièrement détruits. Le maire Adolphe Guillet dit Tourangeau organise une distribution de pain pour les 15 000 sinistrés. Les halles des marchés, l’hôpital de la Marine et l’Hôpital général accueillent les familles sans logis, 150 tentes sont également fournies par Lord Alexander Russel et installées dans des champs avoisinants.
Pompes, échelles et tuyaux, des outils qui se modernisent
Après l’incendie de 1866, la cité de Québec crée un corps de pompiers embauchés à temps plein qui sont répartis dans six casernes. À partir de cette date, l’équipement des pompiers se modernise. Les pompes à bras sont remplacées par des pompes à vapeur, puis par des voitures à essence, ce qui entraîne l’arrêt progressif de l’utilisation des chevaux. D’autres équipements, comme l’échelle aérienne, la tour à boyau et le télégraphe d’alarmes font également leur apparition.
De gauche à droite:
Démonstration du déploiement de la grande échelle devant la station de feu n o 7 sur la rue Boisseau, vers 1895 Philippe Gingras, BANQ-Québec, P585,D3,P3.
Pompe à vapeur tirée par des chevaux devant la station de feu no 1, 1895 Philippe Gingras, BANQ-Québec, P585,D3,P4.
Pompiers éteignant un incendie entre 1930 et 1939 Archives de la Ville de Québec, Q-C1-N001961.
Pompes, échelles et tuyaux, des outils qui se modernisent
Après l’incendie de 1866, la cité de Québec crée un corps de pompiers embauchés à temps plein qui sont répartis dans 6 casernes. À partir de cette date, l’équipement des pompiers se modernisera. Les pompes à bras seront remplacées par des pompes à vapeur, puis par des voitures à essence ce qui entraînera l’arrêt progressif de l’utilisation des chevaux. D’autres équipements comme l’échelle aérienne, la tour à boyau et le télégraphe d’alarmes feront également leur apparition.
Au feu, appelez les pompières !
Les femmes de cette photo auraient été des pionnières si elles n’avaient pas été déguisées pour une parade! Il faudra attendre 1992 pour que des femmes se joignent au SPCIQ.
Femmes conduisant un camion de pompiers lors du défilé costumé à l’occasion des Fêtes du 3e Centenaire de Beauport, 3 septembre 1934
Archives de la Ville de Québec, Collection Michel Bédard, P110-200-6-1-N083443.
Mémorial en hommage aux pompiers décédés
Inauguré en 2016, lors du 150e anniversaire du grand feu de 1866, ce monument rend hommage aux pompiers décédés en service depuis 1880. Leurs noms sont gravés sur 14 stèles qui s’alignent au centre du Boulevard Langelier. On y retrouve aussi l’œuvre Mission accomplie de l’artiste Truong Chanh Trung montrant un pompier tenant deux enfants sans ses bras. Le choix du lieu est significatif, car le Boulevard Langelier fut tracé grâce à l’élargissement de la rue Saint-Ours (la largeur passe de 9 à 30 mètres!) afin de créer une zone coupe-feu entre les quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur.